Une fois levé, Orso descendit et demanda sa sœur qui se trouvait à la cuisine.
Il l’a trouva entouré de balles nouvellement fondues, coupant les jets de plomb ;
elle fondait des balles pour Orso qu’il utiliserait avec le fusil du colonel.
Plus tard, Orso présenta une malle à Colomba. “Il y a dans cette malle quelque chose pour toi. »
lui dit-il. En parlant, il ouvrait la malle et en retirait quelques robes, un châle et d’autres
objets à l’usage d’une jeune personne.
“Que de belles choses ! s’écria Colomba. Et elle baisa la main de son frère.
Colomba avait également quelque chose à lui offrir. Elle sortit de l’armoire un costume complet de chasseur
qu’elle avait elle-même confectionné. Elle profita du moment pour lui donner la cartouchière de son père
ainsi que son pistolet.
Orso déjeuna dans son nouveau costume. Pendant le repas, il dit à sa sœur que sa malle contenait un certain
nombre de livres ; et que son intention était de la faire travailler beaucoup dans le but d’achever son
éducation.
Un matin, Colomba sortit et demanda à son frère de la suivre. Sans savoir où ils se rendaient, il prit son
fusil et tous deux partirent. Après un bout de chemin, Colomba s’arrêta. Ils étaient arrivés devant petite
pyramide de branchages dont on voyait au sommet percer l’extrémité d’une croix de bois peinte en noir.
“Orso, dit-elle, c’est ici que notre père est mort. Prions pour son âme, mon frère !” Et elle se mit à
genoux. Orso l’imita aussitôt et fondit en larmes.
Un instant après être rentrés, Colomba alla voir Orso, portant une petite valise qu’elle posa sur la table.
Elle l’ouvrit et en tira une chemise couverte de taches de sang.
“Voici la chemise de notre père, Orso.” Et elle la jeta sur ses genoux.
“Voici le plomb qui l’a frappé.” Et elle posa sur la chemise deux balles oxydées.
“Orso, mon frère ! cria-t-elle en se précipitant dans ses bras et l’étreignant avec force. Orso ! tu le
vengeras
Orso était bouleversé. Il finit par sortir de sa maison, courant la campagne et marchant devant lui sans
savoir où il allait.
Après réflexion, un seul espoir lui restait dans ce combat entre sa conscience et ses préjugés, c’était
d’entamer, sous un prétexte quelconque, une querelle avec un des fils de l’avocat et de se battre en duel
avec lui dans le but de le tuer.
Orso se rapprochait du village, dont il s’était fort éloigné sans s’en apercevoir, lorsqu’il entendit la
voix d’une petite fille qui chantait. C’était Chilina, une jeune fille dont le père est mort, vivant avec
son oncle, un bandit nommé Brandolaccio.
Puis, deux hommes armés apparurent. C’était Brandolaccio accompagé d’un autre bandit… (feuille)
Orso retrouva Colomba. Pendant le repas du soir, Orso lui raconta sa rencontre avec les bandits. Puis
Colomba lui annonce la mort de Charles-Baptiste Pietri, un homme de ce bourg, qui a reçu le portefeuille de
leur père mourant. Colomba doit se rendre à sa veillée et chanter une ballata (la ballata est une forme
poétique et musicale italienne).
Mais Orso n’est pas du tout pour qu’elle aille se donner en spectacle ainsi au public. Il ira tout de même à
la cérémonie avec sa sœur.
Une fois arrivé à la maison de Pietri, le mort était couché sur la table. À la tête du mort se tenait sa
veuve, et derrière elle un grand nombre de femmes occupaient tout un côté de la chambre ; de l’autre étaient
rangés les hommes. Chaque nouveau visiteur s’approchait de la table, embrassait le mort, faisait un signe de
tête à sa veuve et à son fils, puis prenait place dans le cercle.
Colomba embrassa la veuve, prit une de ses mains et demeura quelques minutes recueillie, les yeux baissés.
Puis elle regarda fixement le mort, et, penchée sur ce cadavre, presque aussi pâle que lui, elle commença sa
ballata.
Arrivé à la moitié, elle s’arrêta. La veuve, le fils de Pietri ainsi que d’autre hommes étaient en larmes.
Tout à coup un léger mouvement se fit dans l’auditoire : le cercle s’ouvrit, et plusieurs étrangers
entrèrent. Au respect qu’on leur montra, il était évident que c’étaient des gens d’importance. Cependant,
par respect pour la ballata personne ne leur adressa la parole.
C’était l’avocat Barricini, le maire de Pietranera, qui venait avec ses deux fils donner au préfet la
représentation d’une ballata. La présence de l’ennemi de son père causa à Orso une espèce d’horreur, et,
plus que jamais, il se sentit accessible aux soupçons qu’il avait longtemps combattus.
Pour Colomba, à la vue de l’homme à qui elle avait voué une haine mortelle, sa physionomie mobile prit
aussitôt une expression sinistre. Elle pâlit ; sa voix devint rauque, … Elle reprit sa ballata.
Une fois fini, Colomba se laissa tomber sur une chaise et on l’entendit sangloter. Les femmes étaient en
pleurs. Plusieurs hommes jetaient des regards farouches sur le maire et ses fils et murmuraient contre le
scandale qu’ils avaient occasionné par leur présence.
Le fils du défunt fit vider la place au plus vite ; le préfet lui adressa quelques compliments de
condoléances, et suivit l’avocat presque aussitôt. Orso s’approcha de sa sœur, lui prit le bras, l’entraîna
hors de la salle et il partirent les deux à la maison.